Interview de Sophie Levy, Directrice du Musée d’arts de Nantes, membre du club Apm Les Sardines  de Nantes

Le Musée d’arts de Nantes a-t-il fait le choix de montrer l’art autrement ?

Le musée des beaux-arts ne s’appelle plus Musée des beaux-arts, il s’appelle dorénavant le Musée d’arts de Nantes. Et finalement, ce changement de nom qui est arrivé avant mon arrivée a eu une influence sur les équipes. Nous nous sommes mis à développer de plus en plus d’expositions qui partent d’un phénomène de société pour permettre aux visiteurs de rentrer dans une expérience artistique différente. Plutôt que d’avoir une approche très classique de l’histoire de l’art, nous décrivons une histoire sociale de certains phénomènes comme l’hypnose, la mode et l’art de paraître au XVIIIe siècle. L’exposition sur Chaplin montrait par exemple comment Charlie Chaplin a influencé les artistes d’avant-garde. 

Comment réconcilier le public et les musées ? 

Nombreuses sont les personnes qui pensent que l’art ne les concerne pas. En développant une nouvelle politique d’expositions, nous permettons à un nombre plus large des personnes d’accéder à l’art autrement. L’exposition actuelle sur les voyages en train montrent comment depuis les années 1830, ces premières expériences de transport ont modifié la perception de l’espace et du temps. Le public est invité à découvrir comment les artistes ont traduit leurs voyages en train en œuvres artistiques. 

La création de ces nouvelles expositions est-elle facile ? 

Ce sont des expositions plus complexes à monter parce que c’est le propos qui tient l’exposition.L’exposition se fonde sur une narration. Cette histoire racontée par l’exposition doit être tenue par une problématique qui n’essaie pas de tout dire, mais qui se tient et offre un point de vue. L’histoire n’est plus centrée autour de chefs-d’œuvre ou de la perception de l’art. L’exposition défend un propos qui mêle l’art et la vie  

Le renouveau des expositions : l’art de la rencontre ? 

Depuis une dizaine d’années, les visiteurs s’intéressent de plus en plus à un nouveau genre d’exposition fondée sur une expérience de la rencontre avec des œuvres. Pour permettre la rencontre entre une personne et l’œuvre, il faut l’amener à vivre une expérience personnelle. Il n’est pas nécessaire d’avoir une culture générale énorme pour accéder à l’art. Dans ces expositions, c’est un peu comme si le tableau était une personne. Vous allez lever les yeux sur elle et l’œuvre va lever les yeux sur vous. Et il y a une espèce de rencontre de l’ordre du coup de foudre. Il y a plusieurs regards possibles sur le monde. L’art donne un accès à une forme d’univers qui est entre l’intérieur et l’extérieur. En regardant une statue, on peut entrer dans un dialogue avec l’œuvre, ce dialogue entre l’intérieur et l’extérieur est puissant. Si la rencontre est belle, cela relève d’un avènement, d’une forme d’épiphanie. 

L’art est-ce une affaire de spécialistes ? 

Lors de mon intervention à la convention Apm de Nantes, nous allons faire une visite singulière au travers d’œuvres qu’Hélène Mugnier et moi apprécions. Une fenêtre pour permettre à d’autres de faire une expérience nouvelle de l’art, plus personnelle, sans exigence d’une culture préalable. Il ne faut pas nécessairement être un spécialiste pour rencontrer une œuvre.